Les marais de la Haute Gironde : réservoirs de vie

Le couloir de la Gironde et de ses affluents est ponctué de zones humides d’importance. Ces marais – véritables poumons pour la faune et la flore – rythment la basse vallée de la Dordogne et le secteur de l’estuaire, notamment autour de Saint-André-de-Cubzac, Gauriac, Blaye, Saint-Ciers-sur-Gironde et du Verdon.

  • La Réserve naturelle nationale des Marais de Bruges (au sud proche, extension du bassin médocain) : S’étendant sur 265 hectares, elle constitue un sanctuaire pour plus de 275 espèces d’oiseaux (source : Réserve des Marais de Bruges, OFB). Même si elle est d’accès plus restreint, le nord du secteur propose des relais comparables dans les marais de Plassac et de Saint-Ciers-sur-Gironde.
  • Les marais de Montalivet et les marais de Blaye : Observables depuis des sentiers aménagés ou avec jumelles depuis les points hauts, ils sont fréquentés par la sarcelle d’hiver, le héron cendré, le busard des roseaux ou la spatule blanche (espèce rare, protégée au niveau national : 1800 couples en France, source : LPO).
  • Les prairies inondées et bords de Garonne : Idéales pour surprendre les grenouilles agiles, la rainette méridionale, et la couleuvre à collier, commune mais indicatrice d’équilibres humides préservés.

Quelques espèces à repérer :

  • Cigogne blanche : Nicheuse et migratrice, elle forme des colonies autour de Saint-Ciers et du marais de Plassac.
  • Loutre d’Europe : Strictement protégée, détectée sporadiquement sur les affluents et dans le marais, sa présence est un excellent indicateur de bonne qualité d’eau (source : SANDRE, 2023).
  • Lysimaque à grappes : Plante rare, à rechercher dans les friches et prairies humides.

Forêts, bois et lisières : habitats discrets pour le vivant

La Haute Gironde comptabilise près de 19 000 hectares de forêts publiques et privées (source : CRPF Nouvelle-Aquitaine, 2022). Une alternance de feuillus, d’acacias, de pins, de chênaies et de taillis qui favorise une grande diversité d’espèces.

  1. La forêt de la Double Saintongeaise
    • Située à l’est, elle s’étend à cheval sur plusieurs communes jusqu’aux confins de la Dordogne et de la Charente-Maritime.
    • Présence du cerf élaphe, du chevreuil, du sanglier, mais aussi du balbuzard pêcheur, migrateur qui s’observe de mars à octobre près des points d’eau (source : Ligue de Protection des Oiseaux - Gironde).
    • La Chouette hulotte et la Huppe fasciée peuplent les boisements clairs.
  2. Bois des Palus, Massif du Pinson, Bois de Bayon
    • Petites forêts accessibles depuis Pugnac, Cubzac-les-Ponts ou Saint-Paul.
    • Idéaux pour écouter le loriot d’Europe (oiseau discret à plumage jaune vif) et croiser la martre ou l’écureuil roux.
    • Plus de 40 espèces de papillons recensées dans ces milieux (source : Atlas des Papillons de Gironde, 2022).

Au printemps, le sous-bois se pare de narcisses, d’anémones, de violettes, et l’on peut trouver des orchidées sauvages (Ophrys abeille, Orchis pyramidalis) sur les lisières et pelouses sèches des coteaux calcaires vers Saint-Savin et Bourg.

L’estuaire de la Gironde : un carrefour migratoire exceptionnel

Premier estuaire fluvio-maritime d’Europe occidentale par la taille (environ 625 km2, source : GIP Estuaire), l’estuaire de la Gironde est un espace de transit crucial pour d’innombrables oiseaux – plus de 250 espèces recensées dans sa zone d’influence.

  • Le site des Mattes à Braud-et-Saint-Louis : Refuge naturel, fermé à la chasse sur certaines périodes, parfait pour observer les gorges-bleues à miroir, spatules blanches, butors étoilés et balbuzards. Ce site est accessible via des sentiers pilotés par l’association Nature en Gironde.
  • Port des Callonges : Plateformes d’observation installées depuis 2017. Les observations en hiver sont marquantes : grandes quantités de vanneaux huppés, de courlis, parfois des oies cendrées et les légendaires grues cendrées lors de leurs passages automnaux (plus de 120 000 individus par an dans tout le couloir migratoire girondin, source : LPO Aquitaine).

Pour la flore, les roselières et prairies salées accueillent la salicorne, la lavande de mer et d’innombrables plantes halophiles spécifiques à ce type de milieu. L’observation de la faune et flore est particulièrement recommandée au lever ou au coucher du soleil, où les animaux sont les plus actifs.

Prairies, vignes et bocages : l’autre biodiversité cachée

Si la vigne est omniprésente en Haute Gironde, les parcelles enherbées, jachères et bords de chemins ont toute leur importance. Plus de 150 espèces de plantes sauvages recensées autour de Bourg et Gauriac (source : Atlas régional de la biodiversité, Région Nouvelle-Aquitaine, 2021).

Dans ces milieux, on peut croiser :

  • Tarier pâtre : Petit passereau percheur, affectionne les haies et les piquets de clôtures.
  • Lézard ocellé : Le plus grand lézard d’Europe, rare et protégé, observé parfois sur les talus secs.
  • Chouette chevêche : Présente dans les vieux vergers, elle utilise aussi les bâtiments de grange pour nicher.

Les insectes sont nombreux, notamment les coccinelles, syrphes, abeilles solitaires et papillons de jour dont la Petite tortue et le Citron. L’abeille domestique a vu sa population diminuer d’environ 30 % en 10 ans en Nouvelle-Aquitaine (source : UNAF), rendant précieuse la préservation des jachères fleuries et petites parcelles sauvages.

Lacs, étangs et points d’eau : sentinelles de biodiversité locale

Les plans d’eau du territoire – qu’ils soient naturels ou artificiels – sont de véritables refuges pour la faune, particulièrement en période estivale.

Site Espèces observables Conseil praticité
Lac du Moulin Blanc (Saint-Christoly-de-Blaye) Martin-pêcheur, grèbe castagneux, libellules (Calopteryx splendens) Accessible, parcours aménagé, jumelles recommandées
Étang de Mombrier Grenouille verte, héron pourpré, triton palmé Privilégier début de matinée, calme indispensable
Réseau des douves et mares du Blayais Crapauds, couleuvre à collier, papillons (Belle-Dame) Prudence, milieux sensibles à l’écrasement

Conseils pratiques pour l’observation de la faune et de la flore locale

  • Privilégier les jumelles et les vêtements neutres pour limiter la perturbation des espèces.
  • Respecter les sentiers balisés : de nombreux milieux sont fragiles, piétiner hors sentier peut occasionner des dommages sur les orchidées ou nids au sol.
  • Printemps et automne sont les saisons idéales pour l’observation, mais la fin d’été offre aussi de belles surprises, notamment pour les papillons et les libellules sur les points d’eau.
  • Consulter les sorties guidées proposées par la LPO Gironde (site officiel) ou Nature en Gironde pour accéder à certains sites fermés ou profiter d’un accompagnement expert.
  • Ne pas nourrir les animaux sauvages, ne pas ramasser de plantes sauvages, certaines sont protégées ou essentielles à l’équilibre écologique.

Une dynamique locale pour la connaissance et la préservation

La Haute Gironde bénéficie depuis dix ans d’un regain d’intérêt pour ses patrimoines naturels : création de zones Natura 2000 sur l’estuaire, développement de sentiers pédagogiques (comme celui du Parc de l’Estuaire à Braud-et-Saint-Louis), initiation de comptages participatifs pour la faune et la flore (avec la LPO, le Conservatoire botanique Sud-Atlantique).

L’enjeu reste de taille : près de 60 % des zones humides originelles du territoire ont disparu depuis 1950 (source : ONEMA), accentuant la rareté de nombreux hôtes emblématiques. Favoriser l’accès raisonné, la connaissance, les échanges avec les naturalistes locaux est donc le meilleur moyen de contribuer concrètement à la protection et à la découverte de la biodiversité.

Chaque village, chaque sentier réserve encore ses surprises : orchidées rares sur les coteaux de Teuillac, passages furtifs de loutres à Saint-Paul, rassemblements de milans noirs sur les jachères de Reignac, migration des grues dans le ciel d’automne. La Haute Gironde, résolument, reste un territoire à observer, à écouter, à comprendre, pour mieux en prendre soin.

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