Pourquoi les marais et zones humides sont incontournables en Haute Gironde ?

Les marais, prairies humides et lagunes composent l’un des caractères les plus précieux du nord du département de la Gironde. Ils dessinent une trame de paysages uniques et de milieux naturels d’une grande diversité, prenant la forme de prairies inondables, de canaux, d’îlots boisés et de plans d’eau propices à l’observation de la faune et à la promenade. On estime que sur la Haute Gironde, plus de 3 000 hectares sont concernés par des zones humides recensées, soit près de 10% de la superficie agricole utile de l’ensemble du territoire (source : DREAL Nouvelle-Aquitaine, “Inventaire des zones humides girondines”).

Au-delà de la beauté paysagère, ces espaces jouent un rôle crucial : régulation des crues, filtration naturelle de l’eau, réservoir de biodiversité, et mémoire vivante des usages agricoles anciens. Les marais permettent d’observer hérons, cigognes, rainettes, orchidées, mais aussi vaches, chevaux ou moutons qui entretiennent ces étendues encore largement façonnées par la main humaine.

Les principaux sites accessibles en Haute Gironde : itinéraires, accès et particularités

Marais de Blaye et Val-de-Livenne : immersion entre estuaire, fossés et prairies

Au nord de Blaye, les marais dits “de la Braie” et du Val-de-Livenne (secteurs Saint-Seurin-de-Cursac, Étauliers, Saint-Ciers-sur-Gironde, Reignac) composent l’ensemble le plus vaste et le plus typique du territoire. Leur topographie plate et leurs réseaux hydrauliques (fossés appelés “jalles”) dessinent des paysages évoquant parfois la Camargue. Plusieurs itinéraires sont possibles :

  • Sentier du canal de la Barbotière (Étauliers) Parcours de 7 km (A/R ou boucle), départ près de l’ancienne gare de Braud-et-Saint-Louis. Ce chemin longe le canal puis traverse prairies, roselières et saulaies. Au printemps, possibilité d’observer les rassemblements de cigognes blanches nichant sur les pylônes et arbres morts (populations en hausse depuis 2010, suivies par la LPO).
  • Boucle de la “Route des Digues” Entre Cartelègue et Saint-Palais, petites routes peu fréquentées serpentent sur la digue, offrant des vues sur une mosaïque de prés, plans d’eau, et marécages. Attention, une vigilance s’impose par temps de pluie : certains passages peuvent être glissants ou inondés.
  • Marais de Reignac et Marais Lamothe Au départ du bourg de Reignac, un balisage pédestre (panneaux verts, GR de 9 bientôt prolongé) permet de rejoindre la lagune et ses habitats d’oiseaux restreints. Plusieurs points de vue aménagés.

Ces marais ont longtemps constitué des zones agricoles vitales (pâtures naturelles, fauches, chasse traditionnelle), dont l’entretien est en partie assuré par les éleveurs locaux via un réseau de conventions avec le Conservatoire d’espaces naturels Nouvelle-Aquitaine.

Marais et bois de Peyronnet : biodiversité à l’état pur près de Saint-Androny

Le site du marais de Peyronnet (accessible aussi depuis Braud-et-Saint-Louis) est géré conjointement par la commune et le Conservatoire d’espaces naturels. Il s’agit d’une réserve naturelle volontaire abritant, sur 65 hectares, l’un des plus importants peuplements de lézards vivipares du département (source : Atlas de la biodiversité communale de Braud-et-Saint-Louis, 2022), ainsi que des fougères rares et des papillons protégés.

  • Le circuit “marais et bois” (environ 5 km) traverse une alternance de petits sentiers sur platelages, de prairies humides, de clairières et de ceintures boisées remarquablement préservées. Des panneaux pédagogiques jalonnent cette boucle : attention au respect des espaces balisés, nombreux habitats d’espèces sensibles.

Le marais du Conseiller à Saint-Ciers-sur-Gironde : le plus méridional des marais charentais

À l’extrême nord du territoire, le marais du Conseiller, vaste de 170 hectares, est connu pour ses roselières, ses gués et ses prairies inondables. On accède par le hameau éponyme (parking signalé, départ du sentier aménagé : voir panneaux sur la D145).

  • Un parcours balisé de 4,5 km serpente entre bras d’eau, bosquets, et prairies parfois pâturées par les races locales (mouton landais, vache marine).
  • Haltes d’observation ornithologique : présence régulière de canards siffleurs, de grèbes castagneux, et d’espèces migratrices au printemps et à l’automne.
  • Évitez de quitter les sentiers : sol parfois instable, zones de nidification.

Le site a fait l’objet de plusieurs opérations de restauration hydraulique entre 2016 et 2021, permettant le retour d’espèces patrimoniales comme l’anguille d’Europe (source : Fédération de pêche de la Gironde).

Berges et lagunes de Gauriaguet, Cézac et Cavignac

Plus au sud, les vallées latérales du Moron et de la Saye recèlent aussi d’intéressantes zones humides boisées, souvent morcelées, qui offrent des micro-paysages pour une randonnée au calme.

  • Lagunes et prairies humides à Cézac Petit site d’environ 17 ha, accessible par des sentiers partant du bourg (direction “La Plaine”). Présence d’anémones pulsatilles (espèce protégée) et ponctuellement de blaireaux, observables au crépuscule.
  • Le parcours botanique de Gauriaguet Environ 2 km, avec panneaux sur la flore hygrophile locale : populages, irises jaunes ou osmondes royales en saison humide.

Ce secteur, moins monumental mais riche en surprises, convient pour des sorties pédagogiques de petits groupes ou de familles.

Faune, flore et saisons : que voir, à quel moment et comment observer sans déranger ?

La Haute Gironde héberge plus de 120 espèces d’oiseaux nicheurs, dont une trentaine particulièrement liées aux milieux humides (recensement SIRF/LPO 2023). Héron cendré, gorgebleue, bihoreau, busard des roseaux y figurent parmi les plus emblématiques. Les passages migratoires, en mars-avril puis septembre-octobre, multiplient les chances d’observer spatules blanches, limicoles et grands cormorans.

En mammifères, la loutre d’Europe (Lutra lutra) et le vison d’Europe, espèces protégées et discrètes, ont été signalés dans la vallée du Moron et dans les marais du nord du territoire (sources : ONCFS, Plan national “loutre” 2021). Les reptiles apprécient les berges ensoleillées : lézard vivipare, couleuvre à collier…

Côté flore, de février à mai, les roselières et prairies se couvrent d’iris jaune, d’orchidées morio et d’orchidées des marais, de violettes et de populages. Les années humides favorisent le retour de la spiranthe d’été et de la fritillaire pintade, espèce rare visible en mars dans les marais tourbeux.

  • Conseils pour observer la nature sans perturber :
    • Rester sur les sentiers balisés ;
    • Se munir de jumelles, éviter les couleurs vives et les bruits ;
    • S’abstenir d’approcher les oiseaux nicheurs, souvent camouflés au sol ;
    • Ramener ses déchets, refermer les clôtures et barrières ;
    • Éviter la promenade avec chiens non tenus en laisse, notamment entre mars et juillet (période de nidification)

Particularités réglementaires et recommandations pratiques

  • Tous les espaces cités relèvent de statuts variés (zone Natura 2000 pour le marais de Blaye, secteurs propriété du Conservatoire d’espaces naturels, sites communaux). Il est donc conseillé de prendre connaissance des panneaux de règlementation à chaque entrée de site.
  • En période hivernale et lors des crues, certains sentiers ou routes sont impraticables : avant une sortie, consulter la carte de vigilance crues sur Vigicrues.
  • Respecter la tranquillité des lieux : pick-nicks discrets autorisés en dehors des secteurs de refuge avifaune, mais pas de camping sauvage.
  • Les moustiques sont présents d’avril à septembre. Privilégier vêtements longs légers, répulsifs naturels (comme l’huile essentielle de citronnelle), et promenades en matinée ou en fin d’après-midi.

Idées de ressources et de sorties accompagnées pour aller plus loin

  • Permanences nature du Conservatoire d’espaces naturels NA : des sorties-découverte sont proposées à chaque printemps et automne dans les marais de Braud, Peyronnet ou Conseiller (voir agenda sur cen-na.org).
  • Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) Gironde : balades ornithologiques commentées (dates variables, sur inscription, gironde.lpo.fr).
  • Communautés de Communes Blaye et Latitude Nord Gironde : guides PDF disponibles en mairie ou sur les sites officiels.
  • Office de tourisme de Haute Gironde : brochures à jour sur les sentiers, conseils personnalisés, prêt de jumelles parfois proposé sur réservation (tourisme-haute-gironde.fr).

À la rencontre d’un territoire vivant, entre patrimoine naturel et ruralité cultivée

Marcher dans les marais de Haute Gironde, c’est entrer dans un paysage à l’équilibre fragile entre l’eau douce et l’estuaire, où la nature et l’agriculture s’imbriquent encore. Les chemins, même les plus discrets, révèlent non seulement l’intimité biologique du territoire mais aussi un patrimoine rural vivant : digues centenaires, canaux creusés à la main, pâturages collectifs, vie locale marquée par la saison des crues ou des foins. S’y aventurer avec respect, c’est découvrir à la fois une Gironde étonnamment sauvage et un réseau solidaire d’acteurs locaux mobilisés pour la préserver au quotidien.

Les balades dans ces espaces humides offrent ainsi bien plus qu’un loisir. Elles sont une invitation à porter un autre regard sur la Haute Gironde, à observer l’évolution de ses paysages, à s’inspirer des gestes de celles et ceux qui en prennent soin, et à savourer, à chaque saison, le détail fragile de l’eau, des plantes et des oiseaux.

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