L’empreinte de l’histoire : racines des savoir-faire locaux

La Haute Gironde, rive droite de la Garonne et nord du département, a longtemps tiré sa richesse d’une position singulière : carrefour de voies fluviales et ligne de rencontre entre monde rural et citadin. C’est ici que se sont développés les savoir-faire convoitant le bois, la pierre, la terre et l’eau.

  • La tonnellerie : Tradition indissociable du Bordelais, la fabrication de tonneaux a essaimé dans le Cubzaguais et le secteur de Bourg-sur-Gironde. En 2019, on recensait encore une douzaine d’ateliers actifs dans la grande région viticole, dont plusieurs en Haute Gironde (source : Chambre de Métiers et de l’Artisanat).
  • Les tailleurs de pierre : L’extraction et la taille de la pierre de Bourg, très prisées pour l’architecture locale et bordelaise, ont fait vivre bon nombre de hameaux jusqu’au XX siècle, laissant des traces dans la toponymie et quelques entreprises spécialisées à l'heure actuelle.
  • Le tissage du chanvre : Autrefois cultivé sur les plaines inondables, le chanvre servait à la confection de cordages et de textiles robustes, filière aujourd’hui disparue, mais qui connaît un regain d’intérêt porté par des initiatives associatives et écologiques.
  • L’art du ferronnier et du maréchal-ferrant : Présente dans tous les bourgs jusqu’aux années 1970, cette activité survit dans quelques ateliers spécialisés, aujourd’hui davantage associés à la restauration du patrimoine ou à la création artistique.

Artisans d’art : portrait d’ateliers emblématiques

Les métiers d’art répertoriés par l’Institut National des Métiers d’Art (INMA) recouvrent aujourd’hui près de 50 disciplines différentes. Plusieurs d'entre elles s’expriment toujours en Haute Gironde à travers des lieux vivants. Le recensement "Métiers d’art en Nouvelle-Aquitaine" de 2022 dénombre à l'échelle du département près de 780 entreprises d’art, dont une part significative sont intégrées au tissu du nord-Gironde (Région Nouvelle-Aquitaine).

  • La céramique contemporaine
    • Plusieurs ateliers ont émergé autour de Saint-André-de-Cubzac, proposant des pièces utilitaires ou décoratives, parfois inspirées des motifs anciens.
    • Certains accueillent les visiteurs en open studio lors des Journées Européennes des Métiers d’Art (JEMA), moment privilégié pour rencontrer les artisans.
  • Verre et vitrail
    • À Pugnac et Prignac-et-Marcamps, deux ateliers pratiquent la technique millénaire du vitrail et interviennent dans la restauration d’églises romanes locales.
    • L’un des maîtres-verriers, reconnu "Artisan d’Art", organise ponctuellement des initiations.
  • Travail du cuir
    • Un bourrelier sellier, implanté près du Bourg, assure la réparation des harnais pour les chevaux de trait dans le vignoble et la création d’objets sur mesure, perpétuant un savoir-faire ancestral dans un secteur aujourd’hui rare.
  • La forge contemporaine
    • Des ferronniers d’art, régulièrement sollicités pour des portails, rambardes ou détails d’architecture, interviennent tant sur le patrimoine que pour des commandes de création.

Événements, marchés et lieux d’échanges

La rencontre directe avec les artisans d’art s’opère souvent au gré des événements et dans des lieux dédiés. Plusieurs initiatives ancrées dans le paysage attirent curieux et amateurs, tout en soutenant une économie locale fragile.

  • Les Journées Européennes des Métiers d’Art (JEMA) : Cette manifestation annuelle mobilise une dizaine d’ateliers en Haute Gironde, proposant démonstrations et visites guidées. En 2023, près de 1500 visiteurs y ont été accueillis dans le secteur (source : INMA).
  • Marchés artisanaux estivaux : À Bourg-sur-Gironde, Saint-André-de-Cubzac ou Saint-Savin, des marchés regroupent chaque été des exposants céramistes, verriers, maroquiniers ou peintres sur mobilier.
  • Lieux permanents : Des points d’exposition permanente, comme la Maison des Artisans- créateurs du Cubzaguais ou l’espace "Haute Gironde Créative" à Saint-Ciers-sur-Gironde, favorisent la rencontre tout au long de l’année.

Savoirs en danger : initiatives pour transmettre et faire renaître

La transmission est un enjeu majeur : en 2022, sur dix professionnels métiers d’art en Gironde, seuls trois avaient embauché ou accueilli un stagiaire sur l’année (INMA). Plusieurs structures locales tentent d’enrayer cette raréfaction.

  • Les chantiers d’insertion patrimoniale
    • Des associations comme les Compagnons Bâtisseurs Nouvelle-Aquitaine pilotent des projets de restauration qui forment à la taille de pierre ou à la menuiserie traditionnelle sur des sites historiques locaux.
  • Les collectifs associatifs
    • Le collectif "Terre de Métiers" œuvre depuis 2016 à répertorier et valoriser la transmission intergénérationnelle dans le nord-Gironde, à travers ateliers, expositions et témoignages vidéo (source : Collectif Terre de Métiers).
  • Formations et compagnonnage
    • Quelques professionnels, surtout dans la restauration du patrimoine, continuent d’accepter apprentis et compagnons. Néanmoins, le nombre d’apprentis inscrits aux filières "métiers d’art" reste stable mais faible (moins de 80 apprentis dans tout le département selon la Chambre de Métiers).

Matériaux locaux et création contemporaine : synergies nouvelles

Les artisans d’aujourd’hui revisitent souvent le patrimoine en l’alliant à l’expérimentation ou à des préoccupations écologiques. La Haute Gironde accompagne cette dynamique :

  • La pierre de Bourg : Intégrée dans des créations sculpturales pour espaces publics, mais aussi pour la rénovation de bâtis.
  • Les argiles de la vallée de la Dordogne : Utilisées pour des poteries et carrelages contemporains inspirés des modèles anciens.
  • Le bois local : Favorisé par des menuisiers-ébénistes soucieux de circuits courts, souvent à partir de chêne ou d’acacia des forêts proches.
  • Matériaux de récupération : Les nouveaux créateurs proposent du mobilier, luminaires ou bijoux réalisés à partir de matériaux recyclés, dans une logique d’upcycling pour limiter la consommation de ressources nouvelles.

Cette alliance entre tradition et innovation, typique de la Haute Gironde, contribue à l’identité créative d’un territoire où les métiers d’art, encore discrets, se tissent en réseau.

Repères pratiques pour découvrir et soutenir les artisans d’art

Pour aller plus loin ou préparer une visite, voici quelques pistes concrètes accessibles toute l’année :

  • Consultez la carte interactive départementale des artisans métiers d’art (metiers-art.com).
  • Rendez-vous sur les sites des Offices de Tourisme du Cubzaguais, de Bourg ou de Blaye, qui recensent artisans ouverts au public.
  • Participez à des ateliers-découverte en famille ou en groupe, proposés de mai à octobre par plusieurs artisans et associations du secteur (réservation conseillée).
  • Prenez contact avec les structures de formation locales ou collectivités compétentes : Chambre de Métiers, Collectifs d’artisans, municipalités.

La Haute Gironde comme terre de résilience et d’inspiration artisanale

Malgré la disparition de certaines filières (poteries utilitaires, tissage domestique, vannerie locale), la Haute Gironde reste une terre de réinvention pour les métiers d’art. La diversité des matériaux, l’héritage rural, et la vitalité d’une nouvelle génération d’artisans engagés dans la valorisation du patrimoine humain permettent à cette région de se distinguer durablement. Soutenir ces pratiques, c’est préserver un cadre de vie, mais aussi accueillir une créativité ouverte sur l’avenir.

Pour qui s’intéresse à la Haute Gironde, les métiers d’art sont là, parfois discrets, toujours essentiels à la richesse et à la singularité du territoire.

En savoir plus à ce sujet :