Qu’est-ce qu’un espace naturel protégé ou classé ?

En France, la notion « d’espace protégé » recouvre plusieurs réalités. Elle va de la stricte réserve naturelle (RNN, RNR) à des périmètres classés ou inscrits au titre des monuments naturels, en passant par des outils européens comme Natura 2000 ou les Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF). À l’échelle de la Haute Gironde, leur statut vise surtout à maintenir la biodiversité et les paysages, et parfois à encadrer voire interdire certains usages (remblaiement, urbanisation, chasse, cueillette, etc.).

  • Réserves naturelles (nationales ou régionales) : mesures strictes de protection, accès réglementé.
  • Sites inscrits ou classés (loi 1930) : protection paysagère ou écologique, limitation des travaux ou aménagements.
  • Zones Natura 2000 : réseau européen protégeant des habitats et espèces d’intérêt communautaire.
  • Espaces naturels sensibles (ENS) : désignation par le département, concilie ouverture au public et préservation.
  • ZNIEFF : inventaires de la richesse écologique, sans statut réglementaire direct mais indicateurs pour l'aménagement.

La Haute Gironde concentre surtout des zones Natura 2000, ENS et ZNIEFF. On compte aussi quelques sites classés remarquables par leur valeur paysagère ou la présence d’espèces rares.

Panorama des principaux espaces protégés en Haute Gironde

1. Le marais de Braud-et-Saint-Louis : un noyau de biodiversité

Au nord du territoire, le marais de Braud-et-Saint-Louis s’étend sur près de 2000 hectares entre la petite commune du même nom, Saint-Ciers-sur-Gironde et l’étang du Blayais. Ce vaste ensemble de prairies inondables, bocages et plans d’eau est au cœur d’un dispositif Natura 2000 (source INPN).

  • Zone de halte et de nidification pour plus de 180 espèces d’oiseaux (busards, cigognes noires, canards souchets, hérons pourprés).
  • Fisètes d’orchidées rares et de libellules remarquables (agrion de Mercure, cordulie à corps fin).
  • Parcours accessibles : sentier pédagogique de la réserve ornithologique du Blayais, observatoire, panneaux explicatifs.

Ce marais, jadis exploité pour la production de foin (et la chasse à la hutte), est aujourd’hui le théâtre d’expérimentations pour la gestion de l’eau et une agriculture extensive. La préservation du site dépend d’une gestion hydraulique fine, surtout face au changement climatique (réchauffement, sécheresses et salinisation).

2. Les îles de l’estuaire : refuges fragiles

L’estuaire de la Gironde est jalonné d’îles et îlots, comme l’île Verte, Nouvelle, Margaux (en face de Cussac) ou Bouchaud, pour certaines accessibles en bateau ou lors de sorties organisées. Plusieurs bénéficient d’un classement à divers titres :

  • Ile Nouvelle (en face de Blaye) : gérée conjointement par le Conservatoire du littoral et le Conseil départemental, elle est ENS et site Natura 2000. Elle accueille de mai à octobre près de 10 000 visiteurs pour ses sentiers, expositions, points d’observation de la faune (hérons, aigrettes, cistudes), et ateliers nature (Gironde Tourisme).
  • Ile Verte (Val-de-Livenne) : inhabitée, visée par des mesures de protection pour ses roselières et colonies de chauves-souris.
  • L’ensemble des îlots est en ZNIEFF de type 1 (espèces végétales halophiles, nids de sternes, etc.).

Chaque île a sa dynamique, le Conservatoire du littoral veille à la restauration des habitats, limite l’accès en cas de nidification et anime des sorties guidées en saison.

3. Les coteaux calcaires et pelouses sèches : floraisons rares

Le relief du territoire n’est pas plat. À Saint-André-de-Cubzac, entre Bourg, Tauriac, Pugnac et jusqu’à Saint-Germain-de-la-Rivière, affleurent des coteaux et falaises calcaires, classés pour leur florescence singulière. Ils bénéficient de mesures Natura 2000 (Natura 2000) :

  • Pelouses sèches hébergeant plus de 200 espèces végétales, dont des orchidées mieux représentées qu’ailleurs en Gironde (ophrys abeille, orchis bouc).
  • Reptiles et insectes d’intérêt : lézard ocellé, papillon azuré du serpolet.
  • Enjeux de gestion : maintien du pâturage extensif pour éviter l’enfrichement, lutte contre la prolifération d’espèces invasives.

Certains sites sont ponctuellement ouverts lors de sorties botaniques. Les falaises (ex : près de Lansac) sont aussi fréquentées par des grimpeurs, dont l’activité est encadrée pour éviter le dérangement en période de reproduction.

4. La forêt de la Double Girondine : poumon vert méconnu

À la lisière sud-est de la Haute Gironde, la forêt de la Double Girondine, modeste par sa surface (moins de 4000 ha sur le département) comparée à sa sœur en Dordogne, possède quelques parcelles classées ENS et ZNIEFF (INPN).

  • Boisements humides, étangs et landes, biodiversité inféodée aux milieux humides (grenouilles, tritons, nombreux champignons typiques de la Double).
  • Fréquentée pour la randonnée, le VTT (sentiers balisés autour de Laruscade, Marcenais).
  • Patrimoine culturel associé : « "fuie" » (pigeonnier forestier), micro-toponymes anciens.

La valeur écologique de la Double vient de la juxtaposition de boisements naturels, de mares et de terroirs restés pauvres, offrant des refuges à des espèces disparues ailleurs.

5. Les marais protégés du Cubzagais et du Bourgeais

Entre Gauriaguet, Prignac-et-Marcamps et Aubie-et-Espessas, d’anciens marais, aujourd’hui en grande partie drainés, sont encore identifiés ZNIEFF de type 1, en particulier pour leurs mosaïques de prairies, de canaux et de fossés, habitats d’amphibiens, de libellules et de quelques espèces emblématiques comme la loutre d’Europe et la cistude.

  • Zones périodiquement inondables, nécessitant une gestion hydraulique complexe pour maintenir l’équilibre.
  • Frange écologique et agricole, car souvent en prairie pâturée ou fauchée tardivement.
  • Accès parfois restreint (nombreuses propriétés privées).

Ce sont les milieux où la biodiversité dépend le plus d’une agriculture extensive et de pratiques traditionnelles, avec des menaces sur leur équilibre dues à l’urbanisation diffuse et à l’artificialisation des terres.

Où trouver les informations et préparer ses visites ?

Pour visiter ou simplement observer ces milieux naturels, il convient de bien s’informer sur les accès, les périodes favorables et le comportement à adopter. Les sources locales les plus utiles sont :

  • Conservatoire du littoral (gestion des îles, information sur l’Ile Nouvelle et sur les modalités de visite).
  • Conseil départemental de la Gironde (cartographie des ENS, sentiers balisés, programmes d’éducation à l’environnement).
  • Office National des Forêts (sentiers en Double Girondine, réglementation).
  • Syndicats mixtes Natura 2000 et associations locales (sorties guidées, suivis naturalistes, chantiers de gestion participatifs).
  • Atlas de la Biodiversité Communale : plusieurs communes disposent d’un ABC permettant de visualiser les sites remarquables et de solliciter des visites organisées.

Pour préparer sa balade, il est toujours conseillé de vérifier les périodes de nidification (restriction sur l’Ile Nouvelle ou dans certaines zones de marais), de privilégier les sentiers balisés et de rester discret pour limiter le dérangement de la faune.

Anecdotes et chantiers en cours en Haute Gironde

Plusieurs chantiers locaux reflètent la vitalité du tissu associatif et des enjeux de conservation :

  • Sur le marais du Blayais, en 2021, une colonie de cigognes noires a été recensée pour la première fois. Leur présence témoigne de la qualité retrouvée du site, où elles font halte lors de leur migration.
  • La « plage de l’Ile Nouvelle » (banc de sable temporaire au sud de l’île) attire des colonies entières de sternes pierregarins, sous surveillance des ornithologues chaque printemps.
  • Le sentier botanique de Margaux à Bourg, inauguré en 2019, met en valeur la floraison printanière des orchidées, accessibles lors de sorties encadrées par l’association Cistude Nature.
  • Des actions de renaturation sont en cours sur l’ancien marais de Saint-André-de-Cubzac, où la municipalité expérimente la plantation de haies pour favoriser la biodiversité des lisières.

Respecter pour transmettre : gestes simples et vigilance

Découvrir ces espaces demande de s’adapter :

  • Rester sur les sentiers balisés (risques de dérangement, de piétinement de flore sensible).
  • Éviter les chiens non tenus en laisse, surtout près des zones de nidification et d’élevage.
  • Ne pas prélever de plantes ni de bois (coupes interdites sur ENS, cueillette d’orchidées strictement prohibée).
  • Limiter le bruit et le feu (interdit hors des aires aménagées).
  • Privilégier les sorties encadrées ou informées pour en apprendre davantage et éviter les erreurs.

Un territoire en vigilance, entre fragilité et promesse

La Haute Gironde n’a pas la notoriété des grands parcs nationaux, mais elle rassemble une densité remarquable de sites naturels préservés, résultats de politiques patientes, souvent peu visibles. Ici, la moindre prairie inondable, le petit étang ou la butte calcaire peuvent héberger autant d’espèces animales et végétales menacées qu’un vaste massif boisé ailleurs. Ces milieux doivent faire face à des défis : artificialisation, changements agricoles, changement climatique. Pourtant, la mobilisation locale – institutionnelle, associative et citoyenne – reste un rempart actif pour leur avenir. Le respect de ces paysages, la transmission des savoirs et la curiosité restent nos meilleurs alliés pour profiter de cette nature précieuse, tout près de chez soi.

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