Nichée sur un promontoire dominant la Dordogne, Bourg-sur-Gironde attire le regard autant qu’elle s’impose par sa discrétion. Classée « Village ancien de caractère », membre du réseau Petites Cités de Caractère et reconnue comme Site Patrimonial Remarquable (1), elle condense sur quelques hectares une histoire longue et stratifiée, perceptible à travers l’architecture, la topographie, et la vie quotidienne.
Bourg n’est pas qu’un « beau village » de plus ; son importance s’exprime par la densité de ses vestiges, la cohérence de son bâti, et sa capacité à transmettre un sentiment d’ancrage véritable. Cette reconnaissance, à la fois publique (par les classements patrimoniaux) et partagée localement, ne doit rien au hasard : elle résulte d’un héritage ancien, jalonné d’événements historiques majeurs, mais aussi de choix de préservation raisonnée et de dynamisme local.
Bourg occupe une situation stratégique : à la frontière de l’estuaire et du fleuve, sur un rocher bordé à l’est par la Dordogne, elle a longtemps contrôlé ou facilité le commerce fluvial. Occupée dès l’époque gallo-romaine — les thermes du IIe siècle sont parmi les vestiges majeurs du bourg (2) — elle devient également forteresse médiévale. Les historiens datent les premières fortifications du Xe-XIe siècle. Le village est alors convoité pour sa position dominante, ce qui explique la densité des témoins architecturaux défensifs : remparts, portes fortifiées (porte de la Mer, porte de Blaye).
La guerre de Cent Ans, les conflits de religion, puis la prospérité liée au vin et au commerce maritime au XVIIIe siècle, marquent également Bourg. Ce dernier point est concret dans le tissu urbain : la plupart des hôtels particuliers datent de la fin du XVIIIe et du XIXe siècle, construits grâce à la bourgeoise commerçante locale. Le long du quai, la halle au blé et les anciens entrepôts témoignent du dynamisme portuaire (3).
L’une des singularités de Bourg tient à sa capacité à conjuguer une forte diversité architecturale avec une harmonie d’ensemble. En remontant la « Rampe », la principale voie qui relie le port au cœur du bourg, on chemine spontanément à travers les époques.
La composition urbaine en amphithéâtre valorise les points de vue sur la Dordogne — il n’est pas rare d’apercevoir, lors de grandes marées, le mascaret remonter le fleuve –, tandis que les passages couverts, venelles étroites, escaliers publics à flanc de coteau offrent un paysage de ruelles où chaque pierre semble racontée.
La préservation du bâti est encadrée à la fois par l’inscription au titre de Site Patrimonial Remarquable (SPR) (6) et par le Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), qui impose des règles strictes préservant la cohérence architecturale et limitant les interventions inadaptées.
Lorsque le Conseil National des Villes et Villages Fleuris a attribué à Bourg ses trois fleurs, ce n’est pas uniquement pour la qualité paysagère : c’est aussi une manière de saluer un effort collectif d’entretien et de mise en valeur. Les habitants, que ce soit à travers leurs jardins, les décorations de façade, ou les associations patrimoniales, entretiennent une culture de la transmission.
Cet engagement local va au-delà du folklore : il s’agit de faire vivre le patrimoine plutôt que de simplement le conserver. Le tissu associatif, fort d’une quinzaine d’organisations, comprend aussi bien traductions du passé que créations artistiques et événements contemporains, attirant chaque année plus de 20 000 visiteurs (sources Office de Tourisme du Grand Cubzaguais).
Bourg ne se limite pas à ses maisons anciennes. La présence de l’estuaire, la mosaïque de coteaux et la proximité immédiate avec le vignoble des Côtes de Bourg créent un environnement riche.
La confrontation directe avec la nature imprime sa marque : les jardins suspendus, les escaliers ombragés, la petite plage du port font de Bourg un lieu où la nature et la pierre dialoguent sans rupture.
Bourg-sur-Gironde bénéficie d’un rayonnement bien au-delà de la Haute Gironde. Plusieurs distinctions lui ont été attribuées :
En 2022, Bourg a été sélectionnée par l’émission « Le Village Préféré des Français » (France 3) pour représenter la Gironde, aux côtés de lieux aussi emblématiques que Saint-Émilion ou Sauveterre-de-Guyenne. Ces reconnaissances, si elles ne suffisent pas à définir un lieu, témoignent d’un attachement partagé à sa préservation et à sa mise en valeur.
Être qualifié de « joyau patrimonial » implique aussi des responsabilités et des tensions. Les élus locaux, appuyés par les associations, s’efforcent d’équilibrer accueil des visiteurs et qualité de vie des 1 800 bourquais, réguler la pression immobilière sans muséifier le village, soutenir les commerces et la vie sociale au-delà du tourisme.
À l’heure où la Haute Gironde tente de conjuguer développement local et préservation des ressources, Bourg se pose volontiers en modèle : ni repliée sur elle-même, ni donneuse de leçons, mais attentive à conserver ce qui fait sens pour ses habitants, ses visiteurs, et les générations futures.
Déambuler à Bourg-sur-Gironde, c’est traverser plus de 2000 ans d’histoire sans quitter un petit périmètre. C’est croiser des habitants aux gestes familiers, entendre l’écho de pas dans les ruelles escarpées, sentir le souffle de l’estuaire en haut des remparts.
À travers la diversité de ses ressources, la richesse discrète de son bâti et la vitalité de ses initiatives locales, Bourg incarne cette Haute Gironde où l’héritage n’est pas figé mais partagé. Les repères donnés ici — chiffres, faits, anecdotes — n’épuisent pas la réalité du lieu. Pour la saisir, il reste à arpenter Bourg à pied, poussé par la curiosité, et participer, ne serait-ce qu’un instant, à cet équilibre précieux entre mémoire et présent.